Article extrait du numéro d’avril 2014 du Deltio Thyellis, bulletin du
Réseau pour les Droits Politiques et Sociaux. Ce réseau (« Diktyo »),
implanté à Athènes, Thessalonique et Volos, a été créé dans les années 1990 et
est actif dans de nombreuses campagnes contre la répression, de soutien aux
migrants et réfugiés, et contre l’austérité. Ses principaux cadres sont aujourd’hui
membres ou proches de SYRIZA.
Ce texte est un résumé de l’introduction du Diktyo au séminaire sur le
mouvement anticapitaliste en Europe, qui s’est tenu lors de l’Alter Summit en
juin 2013 à Athènes.
Il ne fait aucun
doute que l’UE constitue un mécanisme impérialiste supranational sur le plan
politique et économique. C’était clair dès l’époque de la Communauté Européenne
du Charbon et de l’Acier, et par la suite, de la CEE (il s’agissait d’une
entreprise d’intégration capitaliste à caractère offensif). Aujourd’hui
toutefois, à l’heure de l’ « hégémonie allemande », la
consolidation du « totalitarisme démocratique » néolibéral, avec la
transformation de la démocratie parlementaire en « démocratie
gouvernementale » au niveau national et l’existence du centre autocratique
de la Commission Européenne au niveau international, ainsi que l’attitude
agressive de l’UE envers le reste de la planète (protectionnisme européen,
brevets, surexploitation et pillage de pays et de régions dans et hors du
territoire européen, exclusion sociale des immigré-e-s avec progression
constante du racisme et du fascisme, militarisation complète de ses frontières
orientales et méridionales et participation énergique de troupes européennes
aux invasions impérialistes ect…), montrent de façon criante que non seulement
l’UE n’a jamais été « la maison des peuples », mais qu’il est
impossible de la réformer pour la démocratiser, pour qu’elle « abrite »
une autre politique favorable aux peuples et aux travailleurs. Nous souhaitons
qu’une telle politique puisse régner en Europe, toutefois elle n’aura pas pour « véhicule »
l’UE, mais une communauté internationale des peuples libres et des pays
solidaires.
Dans ce sens, nous
pensons que la seule stratégie dont doivent se doter la gauche radicale et le
mouvement social est la convergence internationale des luttes contre l’UE, pour
sa dissolution dans la perspective d’une communauté des peuples. Ceci ne peut bien
entendu être le produit d’une marche droite et simultanée de tous les pays d’Europe,
la lutte des classes et les antagonismes sociaux connaissent des rythmes différents
en fonction des endroits – les étincelles proviennent de différents points, le
feu peut prendre quelque part et s’étendre éventuellement ensuite… Ceci veut
dire que les évolutions politiques et sociales dans un pays peuvent conduire à
une rupture complète avec l’UE, et donc à sa sortie et/ou son exclusion de celle-ci
– et bien plus probablement de la zone Euro. Mais la différence entre l’ « anti-européisme »
anticapitaliste et internationaliste et l’ « euroscepticisme »
nationaliste de droite réside exactement en ceci : le premier jette les
bases sur le plan local et international des conditions de la transition
anticapitaliste dans son pays et de la rupture avec l’UE, de façon à ce que l’étincelle
se transmette aux autres pays, là où le second vise, à travers la rupture des
liens avec l’UE, à maintenir son Etat national sans remettre en cause le régime
existant. C’est une différence fondamentale, et c’est pourquoi nous visons une
dissolution de l’UE « par la gauche », et souhaitons qu’une
dissolution « par la droite » ne se réalise jamais – nous n’oublions
pas que les deux guerres mondiales ont débuté sur le Vieux Continent.
Il existe bien sûr
des forces de gauche (fortes en Grèce, car des valeurs comme la souveraineté
populaire et l’indépendance nationale sont rudement mises en cause en ces
années de mémorandums, mais aussi en raison des importantes traditions social-patriotiques
de la gauche grecque) qui font de la rupture des liens avec l’UE une stratégie
prioritaire dans la radicalisation des classes dominées et la rupture avec le
système capitaliste. En aucun cas nous n’identifions ces forces aux nationalistes
« eurosceptiques », mais nous
considérons leurs positions comme sérieusement erronées. En « plaçant la
charrue avant les bœufs » ils cultivent dans certaines fractions du monde
du travail les illusions selon lesquelles par la sortie de l’UE et le retour à
la monnaie nationale on pourrait sortir de l’ouragan des mémorandums, ce qui tend
à effacer les démarcations d’avec le nationalisme « antimémorandaire »
de droite – et d’extrême-droite. Et parallèlement, en élevant le désengagement
de l’UE au rang de stratégie, ils réduisent les possibilités de collaboration au
niveau des luttes sociales avec les secteurs qui ne partagent pas l’idée de
sortie de l’UE tout en étant contre « l’Europe du capital, du racisme et
de la guerre ».
Selon nous, une
politique anticapitaliste internationaliste contre l’UE signifie en premier
lieu :
- La convergence des luttes et des mouvements au niveau européen dans le plus grand nombre de domaines possibles (syndicalisme, immigration, biens publics, environnement, répression etc.)
- Solidarité pratique avec les peuples, dans et hors des frontières européennes, qui souffrent de l’impérialisme économique, politique et militaire européen.
- Coopération régionale (l’Europe du sud ou, plus exactement, le bassin méditerranéen serait un des espaces de cette collaboration) entre mouvements, mais aussi entre Etats si cela rend possible la coordination des résistances contre l’absolutisme néolibéral de l’UE et de ses principaux Etats. Initiatives pratiques d’échanges (dans des conditions favorables) de produits, et institution de monnaies régionales à usages précis.
- Et naturellement, intensification de la lutte dans nos propres pays pour notre libération des gouvernements néolibéraux, condition nécessaire à la dissolution de l’UE, pour une Europe de la solidarité, de l’égalité et de la liberté.