Paru dans le dernier numéro du bulletin du Réseau pour les Droits
Politiques et Sociaux. L’article fait le point sur les activités de la
Coordination Antifasciste d’Athènes – Le Pirée.
Le jeudi 5 juin
dernier la Coordination Antifasciste d’Athènes – Le Pirée ainsi que d’autres
composantes du mouvement antifasciste s’est rassemblée devant l’ambassade
française en solidarité avec le mouvement antifasciste français qui organisait des
mobilisations le même jour, un an après le meurtre de l’antifasciste C. Méric
par un néonazi à Paris. C’était la première d’une série de mobilisations
décidées lors de la rencontre antifasciste européenne les 11, 12 et 13 avril. Nous
avons voulu de cette façon, et bien entendu devant l’ambassade d’un pays dans
lequel le premier parti lors des élections européenne a été l’extrême – droite
de M. Le Pen, envoyer un fort message de solidarité internationale et de
coordination des luttes au niveau européen. Dans la même logique, répondant à
l’appel à la solidarité internationale lancé par l’organisation Borodba le jeudi 8 mai, jour de
l’achèvement de la 2ème guerre mondiale et de la défaite du nazisme,
nous avons manifesté devant l’ambassade ukrainienne contre la barbarie néonazie
qui s’est déchaînée à Odessa et contre le gouvernement d’extrême-droite de
Kiev, mais aussi contre tous ceux qui se présentent comme les soi-disant
« protecteurs » du peuple ukrainien (USA, UE, Russie).
Et nous continuerons
ainsi. Sur la base des précieux acquis de la discussion riche et substantielle
qui a eu lieu dans le cadre de la rencontre antifasciste d’Athènes, nous
tenterons de contribuer de la façon la plus efficace possible à la coordination
du mouvement antifasciste européen et à l’amélioration de la solidarité
européenne. Les prochaines étapes décidées en commun par les 32 organisations
de 20 pays différents sont les suivantes :
1) Journées
internationales de mémoire et de solidarité pour chaque assassinat
d’antifasciste de la part des fascistes, avec des mobilisations dans les villes
ou devant les ambassades. Pour la Grèce : un an après l’assassinat de
Pavlos Fyssas, le 18 septembre 2014.
2) Création
d’une plateforme commune de contre-information et de communication mutuelle,
fonctionnant en réseau.
3) Journée
commune d’action paneuropéenne les 8 ou
9 novembre, en référence au fait que le 9 novembre est la date du noir
anniversaire de la Nuit de Crystal, c’est-à-dire du pogrom hitlérien contre la
population juive d’Allemagne. L’objectif est que la voix des peuples et du
mouvement antifasciste se fasse entendre dans le plus grand nombre de villes
européennes.
Cependant, nous
sommes conscients que dans le contexte de profonde crise économique et
politique du système, de réduction ou de privation de droits pour de larges
fractions de la population, de racisme et d’autoritarisme d’Etat, alors que les
Etats et gouvernements promeuvent et renforcent les fascistes en jouant en de
nombreuses occasions « la carte du fascisme », le recours à la
mémoire historique ne suffit pas. Les problèmes de la société appellent des
réponses contemporaines et immédiates, liées à la lutte pour la transformation
sociale, pour un monde de solidarité, d’égalité et de liberté. Nous n’avons pas
beaucoup de temps. Nous menons à l’heure actuelle une lutte dans la rue, qui
conduira soit à un développement supplémentaire de l’extrême-droite et des
néonazis et à l’écrasement du mouvement et de toute résistance, soit à
l’écrasement de ces derniers par le mouvement, ce qui ouvrirait parallèlement la
voie au renversement généralisé du système.
Les résultats des
élections européennes ne laissent d’ailleurs aucune marge de doute sur la nécessaire
montée en puissance du mouvement antifasciste. En France le parti de M. Le Pen
est sorti premier en voix et constitue désormais le régulateur incontestable de
la situation politique, flirtant ouvertement avec le pouvoir gouvernemental.
Dans les pays scandinaves les partis d’extrême-droite sont parvenus à arracher
des scores à deux chiffres, alors que dans quelques cas ils participent à des
formations gouvernementales. En Bulgarie, à Chypre, en Hongrie, des partis
néonazis connaissent une montée menaçante. En Grèce, l’Aube Dorée, en dépit de
la crise qu’elle a connu suite à l’assassinat de Pavlos Fyssas et l’emprisonnement
de ses cadres dirigeants, présente une résistance notable et même une
progression – ses scores ont augmenté par rapport aux élections nationales de
2012 et elle est désormais le troisième parti, tandis que parallèlement elle
maintient et renforce constamment son appareil et ses sections d’assaut.
Dans ses conditions
le mouvement antifasciste a le devoir de briser l’agenda de l’extrême-droite,
des néonazis et du système, tant au niveau national qu’européen, en renforçant
l’action antifasciste et en travaillant avec constance et patience à la
réalisation de la coordination internationale. C’est seulement par un mouvement
de masse, unitaire, internationaliste et combattif qui parviendra à rassembler
tou-te-s celles et ceux pour qui le fascisme sera brisé dans la rue et par
« ceux d’en bas » - et non par les gouvernements, les juges et les
médias, qui ne peuvent ni ne veulent affronter les fascistes - que nous pourrons remporter des victoires.
Enfin, n’oublions pas
la chose suivante : c’est précisément l’existence d’un mouvement vivant et
massif qui constitue la raison fondamentale pour laquelle les néonazis ne sont
pas parvenus à contrôler totalement les rues et les quartiers en Grèce.
Angeliki Valsamaki
Deltio Thyellis n°39 – Juin 2014