Chaque année, la
rentrée politique et sociale grecque a lieu lors de l’ouverture de la Foire
Internationale de Thessalonique (FIT), début septembre. Le premier ministre et
les chefs des principaux partis y donnent une conférence de presse. En
parallèle, l’ensemble du mouvement ouvrier organise une montée nationale. Ce
samedi 05 septembre 2014, Antonis Samaras s’est contenté d’une déclaration à la
presse et n’a pas répondu aux questions.
Plusieurs
rassemblements ont eu lieu à Thessalonique, répondant à différents appels.
Appels des syndicats (GSEE, ADEDY, Centre Ouvrier de Thessalonique, PAME), de
collectifs de citoyens contre l’exploitation minière en Chalcidique, des partis
de gauche. Dans les cortèges étaient présents des surveillants des écoles, des enseignants,
les femmes de ménage licenciées du ministère de l’économie, des anciens
employés de l’ERT, des grévistes de l’usine Coca-Cola menacée de fermeture, les
travailleurs de l’usine autogérée BioMe… Dans l’ensemble la manifestation est
une réussite (plus de 10 000 personnes dans l’après-midi selon certaines
chaînes de télévision).
Les manifestations
étaient interdites dans la partie ouest du centre de l’agglomération pour
raisons de sécurité, et 4000 policiers et hélicoptère de la police nationale
ont été déployés. Quelques incidents ont donné lieu à 43 interpellations et 3
arrestations. L’Aube Dorée qui avait prévu de manifester s’est finalement rassemblée
devant ses bureaux.
Images des
manifestations sur le site du Journal des Rédacteurs
Nous publions ci-après un article du Réseau Rouge
de SYRIZA (qui s’exprime sur le site Rproject d’où est issu cet article). L’auteur,
membre du comité central de SYRIZA et du groupe Kokkino revient sur l’absence
très remarquée et commentée d’Alexis Tsipras à la manifestation. Invité à un forum
économique en Italie, il s’est peu exprimé à ce sujet. Le journal en ligne
indépendant TVXS rapporte ces propos
de l’interview qu’il a adressée à La
Stampa : « Je me suis jeté dans la gueule du loup car il vaut
mieux entendre quelqu’un directement, même s’il a une opinion différente. (…)
Je suis venu dire que le remède qu’ils ont choisi à la crise, la rigueur
budgétaire et l’austérité, n’est pas seulement erroné, mais néfaste ».
Alexis
Tsipras à Côme avec l’élite mondiale du capitalisme et du néolibéralisme.
Pourquoi ?
Panos Kosmas | 05.09.2014
Le président de SYRIZA Alexis Tsipras participera aux travaux du 40ème forum du « groupe Bilderberg italien » (comme l’appellent les médias), à Côme en Italie les 5, 6 et 7 septembre, en compagnie de l’élite politique, financière et entrepreneuriale, journalistique et universitaire du capital et du néolibéralisme des deux côtés de l’Atlantique. Et la question qui va de soi est : pourquoi ?
Cette participation a
été rendue publique par un communiqué du Bureau de Presse du Parti, tandis que
les reportages de la presse bourgeoise parlent d’une « grogne à gauche »
de la part de la Plateforme de Gauche et évoquent une réponse de Koumoundourou (1) ayant pour substance : « l’invitation
d’Alexis Tsipras est honorifique et témoigne de l’intérêt et de l’accord que
les thèses de SYRIZA rencontrent au niveau international ».
Dans les reportages
des médias bourgeois il est aussi souligné que cette édition du forum, qui se
tient chaque année depuis 40 ans, aura lieu dans la célèbre station « Villa
d’Este », qui en 2009 a été déclarée par la revue américaine « Forbes »
meilleur hôtel du monde.
Qui participe ?
Il est du plus grand
intérêt d’évoquer en détail la liste des participants au forum en question :
Politiques
- La « crème » des bureaucrates de
Bruxelles (le président de la Commission José-Manuel Barroso, le président de l’Eurogroupe
Jeroen Dijsselbloem, le commissaire à la concurrence Joaquin Almunia, le
commissaire au commerce extérieur et aux services Michel Barnier, le
commissaire aux affaires économiques et monétaires Jyrki Katainen et le
commissaire européen au commerce Karel Gucht).
- Tous les principaux ministres du gouvernement
italien (Intérieur, Réforme Constitutionnelle, Education, Développement
Economique, Santé, Infrastructures et Transports, Economie, Travail), ainsi que
l’ancien premier ministre du Développement, des Infrastructure et des
Transports.
-
Les anciens premiers ministres italiens Enrico
Letta, Mario Monti et Romano Prodi.
-
Le Secrétaire Général de la Ligue du Nord Matteo
Salvini.
- Le ministre allemand du Travail et des Affaires
Sociales Jörg Asmussen, le ministre de la Compétitivité d’Espagne Luis de
Guindos, l’ancien ministre de la Sécurité Intérieure d’Autriche Wolfgang
Schüssel, l’ancien ministre de la Sécurité Intérieure des USA Tom Ridge et l’ancien
premier ministre d’Israël Simon Peres.
-
Six sénateurs américains
Banquiers
-
L’ancien président de la Banque Centrale
Européenne Jean-Claude Trichet.
-
Peter Praet, membre du directoire de la BCE.
Représentants du grand capital
-
Le président de Goldman Sachs au Royaume-Uni Peter
Sutherland
-
Le président de JP Morgan Jacob Frenkel.
-
Le président directeur général de Fiat et de
Chrysler Sergio Marchionne.
Représentants de grands médias
internationaux
-
Le président directeur général du New York Times
Mark Thompson.
-
Le dirigeant du Financial Times Martin Wolf.
Autres participants
Un représentant de l’OCDE
(Andreas Schleicher), du Vatican, des universitaires comme Nouriel Roubini et
Kenneth Rogoff, de très grands juges et maires (italiens).
Participation de Tsipras : Pourquoi ???
Le forum est
organisé, comme tous les ans, par la fondation European House – Ambrosetti, une
fondation capitaliste très puissante dont l’objectif déclaré depuis sa
fondation est de « fournir un soutien aux entreprises dans la gestion
intégrée des aspects critiques du processus de création de valeur ajoutée ».
Dans son « CV » officiel, la fondation s’enorgueillit de son « inestimable
réseau de contacts internationaux, au plus haut niveau, dans les domaines où
elle exerce ses activités », se référant à l’influence qu’elle exerce dans
la prise de décisions au sein des institutions internationales et chez les plus
hauts dirigeants des Etats membres.
La question qui vient immédiatement est : pour quelle raison le
président d’un parti de la gauche radicale participe à un tel forum, organisé
par une telle fondation revendiquant de tels objectifs et un tel « CV » ?
Alexis Tsipras s’est gardé de donner (comme l’ont déjà écrit et révélé les
médias bourgeois) la moindre explication au Bureau Politique de SYRIZA.
A ces questions qui
sont soulevées à l’intérieur du Parti, les dirigeants de l’environnement
présidentiel apportent généralement des réponses stéréotypées : quel problème
y-a-t-il à aller exposer nos thèses à
qui que ce soit ? Toutefois ces derniers temps, on y ajoute aussi (sans la
publier, mais les médias bourgeois se chargent de le faire) la réponse suivante :
« De telles invitations sont honorifiques pour le Parti, elles révèlent
combien tous prennent désormais SYRIZA en compte».
Que chacun se demande
à quel point ces réponses sont convaincantes. Pour notre part, nous
souhaiterions poser quelques questions plus « spécifiques » :
Pourquoi les
discussions internationales d’Alexis Tsipras s’étendent-elles aux grands noms
et aux représentants politiques du capital international ? A l’exception
de la période pré-électorale pour les dernières élections européennes, lorsque
sa candidature à la présidence de la Commission au nom du Parti de la Gauche Européenne
l’a contraint à des discussions avec les partis de la gauche européenne,
pourquoi ne prend-il pas d’initiatives de discussions avec des mouvements
européens, des syndicats, des partis de gauche ? Comment va se construire le « rapport de
force européen » tant annoncé ? Et combien de réponses convaincantes
peuvent être apportées à la question évidente : « Alexis Tsipras et
la direction de SYRIZA veulent-ils construire avec les mouvements sociaux et la
gauche un rapport de force européen et international pour renverser l’austérité
et le néolibéralisme, ou veulent-ils créer un cadre d’ « accord »
et de consensus pour gouverner avec le consentement du capital international ? »
Comment expliquer que
dans ce forum, organisé par et auquel participe le noyau dur du capital
international et de la finance, les seuls invités politiques qui n’occupent pas
à l’heure actuelle de fonction officielle sont Alexis Tsipras, le « faucon »
sioniste Simon Peres, et le fascisant Secrétaire Général de la Ligue du Nord ?
Quelle réponse peut sembler convaincante à cette question qui brûle les lèvres de
centaines et de milliers de militant-e-s de SYRIZA, de la gauche et des
mouvements ?
Et si la question « pourquoi
ne pas y aller, puisque nous sommes invités, et défendre nos thèses ? »,
se veut être une « réponse convaincante », alors comment répondre à
une autre question qui va de soi : pourquoi la crème du capital
international n’a invité que Tsipras et Simon Peres hors du cadre de toute
représentation officielle ? En quoi la présence de Tsipras répond-elle à
leurs intérêts ? Qu’attendent-ils et quel message veulent-ils faire passer ?
Cette invitation d’Alexis
Tsipras à ce forum a-t-elle un lien avec la dénonciation unilatérale du « merkelisme »,
compte tenu du fait que ce forum est dominé par l’ « axe »
anglo-saxon du capital international alors que la participation allemande y est
symbolique, dans les limites de la « politesse diplomatique » ?
Tout ceci a-t-il un lien avec la problématique posée par SYRIZA lors de voyages
aux USA, sur le thème de l’exploitation des « failles » du système
international ?
Dernière question mais
non la moindre : le fait qu’une occasion a été offerte aux médias
bourgeois nationaux de « faire la une » sur le fait qu’Alexis Tsipras
préférait le Groupe Bilderberg à la manifestation de la FIT émeut-il un tant
soi peu les inspirateurs de ce voyage et de cette participation ? Personne
n’a-t-il pensé aux conséquences catastrophiques (sur le moral, la volonté et le
rassemblement des militants de SYRIZA et du mouvement) du fait qu’Alexis
Tsipras, absent de la manifestation de la FIT car il préfère participer au
forum du groupe Bilderberg d’Italie, montera à Thessalonique la semaine
prochaine pour présenter aux industriels grecs les thèses programmatiques de
SYRIZA ?
Finalement, qui sont
nos interlocuteurs et nos alliés ? Luttons-nous pour un projet, un rapport
de forces et des alliances de rupture et de renversement du système ou pour créer
les conditions d’un gouvernement de SYRIZA bénéficiant de la tolérance et de l’accord
du système capitaliste, local et international ? Celui ou celle qui ne
comprend pas que ce questionnement dévastateur est déjà dans les esprits de
dizaines de milliers de militant-e-s de l’avant-garde politique et sociale,
peut désormais être accusé-e de négligence criminelle !
De tels
questionnements n’attendent pas de réponses « théoriques » ou
préconçues, mais des réponses pratiques et une reconnaissance de leur gravité.
(1)
Adresse
du siège national de SYRIZA