mardi 10 décembre 2013

Le PGE et SYRIZA

Ce week-end a eu lieu une session du comité central de SYRIZA centré sur les prochaines élections européennes. Le Parti de la Gauche Européenne, qui a choisi Alexis Tsipras comme figure de proue à cette occasion, vient de faire parvenir un document politique à SYRIZA qui provoque des remous dans la coalition, y compris dans la majorité. La Plateforme de Gauche animée par Panagiotis Lafazanis et le Réseau Rouge a déposé un texte posant en 14 points les bases politiques et programmatiques que SYRIZA devrait selon elle défendre lors des élections, y compris contre le PGE. 
Ci-dessous, l'explication de vote d'Antonis Davanellos, de DEA. 


Antonis Davanellos 09.12.2013

(Extrait de l’intervention lors de la réunion du CC de SYRIZA)

Chaque fois qu’un membre de SYRIZA, en général de la plateforme de gauche, propose une politique de rupture avec l’UE réellement existante – en soutenant y compris la sortie de l’Euro, dans le but de satisfaire les intérêts de la classe ouvrière –, il se voit opposer une série d’objections selon lesquelles ces idées constituent une soi-disant rupture avec l’internationalisme, un tournant vers un nationalisme particulier.

Nous devons affirmer clairement que le noyau internationaliste irremplaçable de la stratégie de la gauche est fondé sur deux choix fondamentaux : d’abord l’engagement pour le renversement du capitalisme, la revendication constante de l’émancipation socialiste dans le pays où nous vivons et luttons. Deuxièmement la disponibilité et la volonté constante de nous unir à tous ceux qui luttent dans la même direction, au niveau européen et mondial.

De ce point de vue le slogan fondateur de SYRIZA « renversement en Europe – renversement en Grèce » était le reflet d’une orientation internationaliste, à un niveau imparfait.

Je crains qu’à travers ses relations avec le PGE soit ouverte l’éventualité d’un repli conservateur de SYRIZA, tant sur ses positions face à l’UE que (et c’est plus grave) dans ses positions sur la crise en Grèce.

Le texte du PGE qui a été porté à notre connaissance, propose une « sortie » de la plus profonde crise du capitalisme depuis 1930 à l’échelle européenne, que je décrirais comme une proposition pour un passage pacifique à un capitalisme post-libéral sans austérité. Se développe même l’idée qu’une telle « mutation » du capitalisme européen pose, soi-disant objectivement, les fondations d’un fonctionnement démocratique du système européen (c’est pourquoi différents camarades se livrent à des exercices d’élaboration de versions nouvelles et démocratiques des traités européens, ou de la « Charte des droits fondamentaux » ect). Selon moi l’ensemble de ces idées est totalement utopique et désoriente l’action de la gauche, au niveau national comme européen.

Le diagnostic de la source du malaise européen souligne l’idée que l’UE se trouve sous hégémonie du gouvernement conservateur allemand, l’idée que ce que nous avons à affronter est un problème « peu profond », le « merkelisme ». Il s’agit là d’une grave erreur.

Rappelons d’abord que ce « diagnostic » est partagé aussi par une fraction de nos ennemis politiques et de classe. Par ex. Venizélos aujourd’hui, ou G. Papandreou hier, disent que leur « malheur » est qu’au moment où ils devaient prendre la décision de mettre en place les mémorandums, ils avaient pour principal problème le fait que l’UE était dominée par les gouvernements conservateurs de droite.

Ils proposent ainsi une issue à l’échelle européenne : le remplacement des gouvernements de droite par des gouvernements socio-démocrates qui instaureront, paraît-il, un environnement international plus favorable aux classes ouvrières et populaires.

Personne ne doit pourtant oublier que la pente néolibérale de l’Europe a été amorcée quand l’Allemagne était gouvernée par le social-démocrate Schröder et qu’en Europe dominaient les gouvernements socio-démocrates.  

Toutes ces interprétations qui mettent l’accent sur le champ politique-gouvernemental laissent sans réponse une question cruciale : pourquoi les classes dominantes dans toute l’Europe se sont si totalement accordées avec le néolibéralisme, et pourquoi le soutiennent-elles avec tant de fanatisme aujourd’hui ? La réponse réside dans le fait que l’offensive néolibérale contre les droits ouvriers et sociaux correspond aux besoins du capital pour faire face à la crise mondiale du capitalisme. Ainsi, le point de vue qui soutient qu’il est possible de peser « démocratiquement » sur les capitalistes – et bien sûr à l’échelle de l’UE ! – pour qu’ils renoncent aux politiques d’austérité et passent à un « stade » de développement post-libéral, est littéralement météorique.

J’entends des interventions en faveur d’un « modèle productif différent » qui serait fondé sur la démocratie, la solidarité et autres sympathiques caractéristiques. Personne pourtant ne répond à la question centrale : quelle classe ou quelles classes exerceront le pouvoir dans ce modèle « différent » ? Est-il possible que la gauche au milieu de la crise la plus profonde du système actuel, propose comme sortie un capitalisme « à visage humain » ?

Revenons cependant au champ politique immédiat. Il est question d’un « combat commun », d’un rassemblement des « forces critiques » jusque dans le parlement européen, de façon à ce que ces propositions de réforme de l’UE deviennent réalistes.

A quelles forces, exactement, vous référez-vous ? Les forces du PGE, même si elles se renforcent significativement lors des prochaines élections européennes seront loin d’être suffisantes pour pouvoir ne serai-ce que promouvoir des réformes modérées de l’UE. Quelques partis du PGE (par ex. le PC français avec sa décision récente d’alliance avec le PS de Hollande – n’ont de toute évidence pas clarifié leur rapport à la tradition criminelle et erronée de la stratégie du centre-gauche. SYRIZA peut-elle – au travers de la politique du PGE concernant l’Europe et les élections européennes – se « ré-ouvrir » à l’éventualité d’une collaboration avec la social-démocratie au niveau, dans un premier temps, européen ?

Pour ces raisons, ainsi que pour ce qui concerne l’accomplissement des tâches que nous imposent les évolutions intérieures, nous soutenons sans réserve le texte déposé par la plateforme de gauche…