Ce week-end a eu lieu une session du comité central de SYRIZA centré sur les prochaines élections européennes. Le Parti de la Gauche Européenne, qui a choisi Alexis Tsipras comme figure de proue à cette occasion, vient de faire parvenir un document politique à SYRIZA qui provoque des remous dans la coalition, y compris dans la majorité. La Plateforme de Gauche animée par Panagiotis Lafazanis et le Réseau Rouge a déposé un texte posant en 14 points les bases politiques et programmatiques que SYRIZA devrait selon elle défendre lors des élections, y compris contre le PGE.
Ci-dessous, l'explication de vote d'Antonis Davanellos, de DEA.
Antonis Davanellos
09.12.2013
(Extrait de l’intervention lors
de la réunion du CC de SYRIZA)
Chaque fois qu’un
membre de SYRIZA, en général de la plateforme de gauche, propose une politique
de rupture avec l’UE réellement existante – en soutenant y compris la sortie de
l’Euro, dans le but de satisfaire les intérêts de la classe ouvrière –, il se
voit opposer une série d’objections selon lesquelles ces idées constituent une soi-disant
rupture avec l’internationalisme, un tournant vers un nationalisme particulier.
Nous devons affirmer
clairement que le noyau internationaliste irremplaçable de la stratégie de la
gauche est fondé sur deux choix fondamentaux : d’abord l’engagement pour
le renversement du capitalisme, la revendication constante de l’émancipation
socialiste dans le pays où nous vivons et luttons. Deuxièmement la
disponibilité et la volonté constante de nous unir à tous ceux qui luttent dans
la même direction, au niveau européen et mondial.
De ce point de vue le
slogan fondateur de SYRIZA « renversement en Europe – renversement en
Grèce » était le reflet d’une orientation internationaliste, à un niveau
imparfait.
Je crains qu’à
travers ses relations avec le PGE soit ouverte l’éventualité d’un repli conservateur
de SYRIZA, tant sur ses positions face à l’UE que (et c’est plus grave) dans
ses positions sur la crise en Grèce.
Le texte du PGE qui a
été porté à notre connaissance, propose une « sortie » de la plus
profonde crise du capitalisme depuis 1930 à l’échelle européenne, que je
décrirais comme une proposition pour un passage pacifique à un capitalisme
post-libéral sans austérité. Se développe même l’idée qu’une telle « mutation »
du capitalisme européen pose, soi-disant objectivement, les fondations d’un
fonctionnement démocratique du système européen (c’est pourquoi différents
camarades se livrent à des exercices d’élaboration de versions nouvelles et
démocratiques des traités européens, ou de la « Charte des droits
fondamentaux » ect). Selon moi l’ensemble de ces idées est totalement
utopique et désoriente l’action de la gauche, au niveau national comme
européen.
Le diagnostic de la
source du malaise européen souligne l’idée que l’UE se trouve sous hégémonie du
gouvernement conservateur allemand, l’idée que ce que nous avons à affronter
est un problème « peu profond », le « merkelisme ». Il s’agit
là d’une grave erreur.
Rappelons d’abord que
ce « diagnostic » est partagé aussi par une fraction de nos ennemis
politiques et de classe. Par ex. Venizélos aujourd’hui, ou G. Papandreou
hier, disent que leur « malheur » est qu’au moment où ils devaient
prendre la décision de mettre en place les mémorandums, ils avaient pour
principal problème le fait que l’UE était dominée par les gouvernements
conservateurs de droite.
Ils proposent ainsi
une issue à l’échelle européenne : le remplacement des gouvernements de
droite par des gouvernements socio-démocrates qui instaureront, paraît-il, un
environnement international plus favorable aux classes ouvrières et populaires.
Personne ne doit
pourtant oublier que la pente néolibérale de l’Europe a été amorcée quand l’Allemagne
était gouvernée par le social-démocrate Schröder et qu’en Europe dominaient les
gouvernements socio-démocrates.
Toutes ces
interprétations qui mettent l’accent sur le champ politique-gouvernemental
laissent sans réponse une question cruciale : pourquoi les classes
dominantes dans toute l’Europe se sont si totalement accordées avec le
néolibéralisme, et pourquoi le soutiennent-elles avec tant de fanatisme aujourd’hui ?
La réponse réside dans le fait que l’offensive néolibérale contre les droits
ouvriers et sociaux correspond aux besoins du capital pour faire face à la
crise mondiale du capitalisme. Ainsi, le point de vue qui soutient qu’il est
possible de peser « démocratiquement » sur les capitalistes – et bien
sûr à l’échelle de l’UE ! – pour qu’ils renoncent aux politiques d’austérité
et passent à un « stade » de développement post-libéral, est
littéralement météorique.
J’entends des
interventions en faveur d’un « modèle productif différent » qui
serait fondé sur la démocratie, la solidarité et autres sympathiques
caractéristiques. Personne pourtant ne répond à la question centrale :
quelle classe ou quelles classes exerceront le pouvoir dans ce modèle « différent » ?
Est-il possible que la gauche au milieu de la crise la plus profonde du système
actuel, propose comme sortie un capitalisme « à visage humain » ?
Revenons cependant au
champ politique immédiat. Il est question d’un « combat commun », d’un
rassemblement des « forces critiques » jusque dans le parlement
européen, de façon à ce que ces propositions de réforme de l’UE deviennent
réalistes.
A quelles forces,
exactement, vous référez-vous ? Les forces du PGE, même si elles se
renforcent significativement lors des prochaines élections européennes seront
loin d’être suffisantes pour pouvoir ne serai-ce que promouvoir des réformes
modérées de l’UE. Quelques partis du PGE (par ex. le PC français avec sa
décision récente d’alliance avec le PS de Hollande – n’ont de toute évidence
pas clarifié leur rapport à la tradition criminelle et erronée de la stratégie
du centre-gauche. SYRIZA peut-elle – au travers de la politique du PGE concernant
l’Europe et les élections européennes – se « ré-ouvrir » à l’éventualité
d’une collaboration avec la social-démocratie au niveau, dans un premier temps,
européen ?
Pour ces raisons,
ainsi que pour ce qui concerne l’accomplissement des tâches que nous imposent
les évolutions intérieures, nous soutenons sans réserve le texte déposé par la
plateforme de gauche…