
Au sujet des débats d'orientation d'ANTARSYA, le point de vue du SEK (Parti Socialiste des Travailleurs - IST), paru sur son site.
La conférence de l’Organe de
Coordination Nationale d’ANTARSYA qui a eu lieu le samedi 2 novembre à Athènes
a dû faire face à des questions nombreuses et importantes soulevées par les
développements récents. Et en effet il y a eu, tant dans le rapport que dans la
plupart des interventions qui ont eu lieu lors du congrès, des élaborations
utiles quant aux tâches de la gauche dans les mouvements de grève et
antifascistes.
Dans une conjoncture où des milliers
de militants ont les yeux tournés vers les luttes cruciales comme l’ERT, les
écoles, les hôpitaux, les universités, ANTARSYA dit qu’ « il nous
faut insister sur la ligne du soulèvement ouvrier et populaire général avec
pour objectif le renversement du gouvernement et de ses mesures, contre les « réalismes »
qui invoquent constamment les « mouvements négatifs et l’absence de
conditions » pour que les luttes vainquent ».
A un moment où les déclarations
antifascistes de l’ensemble du spectre politique sont soumises à l’épreuve de
la pratique, ANTARSYA dit clairement qu’ « il nous faut poursuivre et
intensifier la lutte antifasciste pour que soit éradiqué le fascisme, ses
soutiens sociaux, politiques et économiques… hors de la logique de l’ « arc
constitutionnel »… », et fixe des revendications et initiatives
précises dans ce sens.
De classe et
internationaliste
A la veille de la présidence grecque
de l’UE au premier semestre 2014, ANTARSYA endosse la possibilité d’ « une
grande campagne qui montrera comment nous nous opposons sur une base de classe
et internationaliste à l’UE. Car c’est un appareil d’austérité et de mémorandums
qui vise à faire peser le poids de la crise des capitalistes sur les épaules
des travailleurs et est de plus un appareil raciste comme l’a montré le crime atroce de
Lampedusa ».
Il est évident que de telles approches
sont précieuses pour tous ceux qui mènent les luttes sur les lieux de travail
et d’études, les syndicats, les quartiers et surtout politiquement.
Pourtant, parallèlement à ces
clarifications sont apparus des problèmes importants autour des initiatives d’ANTARSYA
pour une « collaboration » des forces de gauche en vue d’un plus
grand soutien pour les batailles cruciales du mouvement.
Dans la dernière période, à travers
des contacts et des rencontres, Le Comité de Coordination Central d’ANTARSYA a
conçu et proposé à l’unanimité un « projet de déclaration commun »
résumant le cadre et les objectifs de cette initiative et appelant « chaque
organisation, chaque collectif, chaque militant et militante qui partagent les
mêmes luttes et les mêmes buts à se regrouper ».
Malheureusement par la suite cette
initiative s’est essentiellement limitée à un dialogue de sourds avec les
forces du Plan B, lequel a répondu négativement dans une lettre dans laquelle
il déclare que « pour le Plan B les propositions et idées exprimées dans
le projet de déclaration commune que vous nous avez envoyé ne peuvent garantir
une large adhésion ».
Chacun et chacune peut comprendre ce
que « large adhésion » veut dire pour le Plan B à partir des
interviews d’Alekos Alavanos dans les médias dans lesquels il s’adresse à une
large audience. Dans Eleftherotypia du dimanche 26-27 octobre il prend pour
exemple le New Deal de Roosevelt dans les années 1930 ou encore le Japon actuel
qui « pour sortir non pas de la récession mais de la stagnation, double la
circulation monétaire ».
Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés
sur le fait qu’il puisse s’agir d’un dérapage au cours d’une interview,
soulignons que le Plan B dans sa lettre de réponse à ANTARSYA propose comme
base commune de collaboration les « propositions du camarade Roussi ».
Ces propositions incluent le point suivant : « 4. Sortie de l’euro et
dévaluation contrôlée de la monnaie nationale comme un des outils sérieux pour exercer
des politiques en faveur des classes populaires ».
Orientation
anticapitaliste
Au point où en est arrivée la marche
de l’état-major de SYRIZA vers la droite, les conceptions rappelant celles
de Keynes constituent certainement des critiques de gauche. Mais cela de veut
pas dire qu’ANTARSYA doive abandonner son orientation anticapitaliste pour
adopter de telles conceptions.
L’augmentation de la circulation
monétaire au Japon n’a pas apporté de nouveaux postes de travail mais de
nouvelles bulles pour les spéculateurs. La dévaluation contrôlée de la monnaie
nationale n’est pas une politique pro-ouvrière, c’est un outil pour stimuler la
compétitivité des entreprises. Que celui qui oublie les expériences des
travailleurs en Grèce à l’époque où la Drachme était gérée par la dévaluation
contrôlée, regarde au moins les expériences actuelles des travailleurs en
Argentine qui luttent pour quelque chose allant au-delà de la politique Kirchner.
De telles idées n’élargissent pas,
mais au contraire réduisent la disponibilité des forces de gauche qui veulent
aider la résistance ouvrière à vaincre. Ceci apparaît à partir d’une autre
question.
Dans le journal du Plan B du 12
décembre 2012 Alekos Alavanos déclarait : « la conclusion centrale
est que le dilemme de la monnaie a un rôle prépondérant dans l’immigration. L’euro
rigide est une des raisons principales du grand flux en direction de notre pays ».
Pour ANTARSYA la rupture avec l’euro
et l’UE est un affrontement avec un pilier du racisme, la forteresse de l’Europe
Frontex qui a fait de la Méditerranée un cimetière de migrants. Le but de cet
affrontement visant à briser les Accords de Schengen et de Dublin n’est pas de
limiter le flux d’immigration ni d’expulser les immigrés hors de Grèce, mais d’ouvrir
les frontières pour tous les travailleurs.
Ceci est une raison supplémentaire
pour laquelle ANTARSYA ne peut reculer de sa position sur la rupture de classe
et internationaliste avec l’UE. Les forces de la « gauche patriotique »
risquent d’oublier qu’une grande partie de la classe ouvrière est constituée
des immigrés et que le front de nos luttes s’élargit quand nous les avons avec
nous.
Reculs
Malheureusement, alors que ces
conceptions sont acquises dans ANTARSYA et que nous cherchons à en faire le
patrimoine des forces du front commun, une tendance à la dérive s’est
manifestée lors de la conférence de coordination nationale. C’est derrière la préoccupation
de l’intervention dans les élections européennes avec le Plan B qu’a été répandue
l’idée de la nécessité de former un cadre commun, avec des reculs d’ANTARSYA.
Sur la base de cette priorité des propositions ont été émises visant à
supprimer le caractère anticapitaliste du programme d’urgence transitoire, à ce
qu’aucune mention ne soit faite des désaccords qui sont apparus, que disparaisse
l’expression « dans un sens anticapitaliste, anti-impérialiste,
internationaliste » de la thèse sur la rupture et la sortir de l’euro et
de l’UE comme plateforme pour les élections européennes.
Malgré l’offensive agressive de camarades
d’ARAN et ARAS en accord avec des camarades du NAR, aucune de ces propositions
n’a rassemblé la majorité requise des deux tiers. Ont été entendues des justifications disant
que la question était purement tactique, et qu’une majorité augmentée n’était
donc pas nécessaire. Ce qui ne peut bien évidemment être vrai quand est si
fortement altérée la physionomie non seulement du front commun, mais d’ANTARSYA
elle-même.
Notre avis est qu’ANTARSYA doit
persévérer en ce qui concerne le reste des décisions communes pour les
initiatives militantes, pour le soutien aux mouvements de grève et antifascistes
et pour l’opposition à la présidence grecque de l’UE, et ne pas dériver vers la
droite sous prétexte d’un partenariat électoral. Les membres d’ANTARSYA dans
ses assemblées locales et dans les conférences à venir de ses instances peuvent
et doit veiller à son caractère anticapitaliste à ce moment critique.
Panos Garganas,
6/11/2013