Sur cette vidéo, le discours traduit en anglais, ainsi que le débat qui n'est pas retranscrit dans la traduction ci-dessous.
Permettez-moi de le dire clairement : SYRIZA maintiendra
la Grèce dans la zone Euro. Mais cela ne signifie pas l’acceptation des
politiques stupides et inhumaines que nous dictent les actuels dirigeants
suicidaires de la zone Euro. Non ! En effet, selon moi, afin de nous
maintenir à long terme dans la zone Euro, afin que la zone Euro survive
réellement, nous avons besoin d’un changement de projet. Nous avons besoin
d’une réévaluation rationnelle de notre stratégie visant à lutter contre la
crise. Pas au niveau grec. Au niveau de l’Union Européenne. Mais cette
stratégie nouvelle ne pourra venir sans, et à moins qu’un parti comme le nôtre
ne crie à Bruxelles : ça suffit !
Mesdames et
Messieurs,
C’est un honneur et
un grand plaisir pour moi de me trouver aujourd’hui à Brookings.
Une fondation dotée
d’une solide tradition de discussions argumentées.
Une fondation qui
peut comprendre ce que risquent la Grèce et l’Europe aujourd’hui.
Je me souviens que
quand j’étais petit, les anciens disaient que si l’Amérique prennait froid, la
Grèce restait clouée au lit avec une pneumonie.
Aujourd’hui,
j’entend certains de vos politiciens mettre en garde le gouvernement des USA de
les écouter s’il ne veut pas devenir…la Grèce.
Une chose est
claire : nos pays peuvent être très différents en taille et en structure.
Nous savons aussi qu’il existe des ombres et des problèmes du passé que nous
voulons surmonter.
Mais il existe
aussi des liens forts qui dans un environnement mondialisé deviennent de plus
en plus forts.
Car le désastre qui
est le nôtre vous concerne aussi.
Une chose que je
remarque en tant que grec en me promenant dans vos rues, c’est que l’Amérique
ne se trouve pas dans la situation de dépression que mon pays ressent
malheureusement aujourd’hui. Je n’ai pas vu de magasins fermés, de visages
sombres, de signes de désespoir partout.
. L’Amérique à
évité la dépression après 2008.
. Evidemment, vous
aussi avez payé un lourd tribut après la crise de 2008.
. Votre économie
continue d’avoir du mal à récupérer.
. Votre taux
d’emploi est encore dramatiquement faible.
. Votre peuple est
encore inquiet.
. Des millions de
personnes ont encore du mal à gagner de quoi vivre.
. Presque tout le
monde reste en colère contre ceux qui ont causé tant de souffrance.
. Mais la
dépression, vous l’avez évitée.
Au contraire, la
Grèce vit une profonde dépression. En disant cela, je ne veux pas dire une profonde récession. Je parle bien d’une dépression.
Je veux préciser la
chose suivante.
Pour nous il est
clair que l’économie grecque et l’appareil d’Etat grec avaient leurs propres
problèmes internes. Ces problèmes sont structurels et ont des racines
profondes.
Ils n’ont pourtant
pas créé la crise en Grèce. La crise n’est pas grecque. Ils n’ont pas créé la
crise mais l’ont empiré.
Et permettez-moi de
dire que le peuple grec est un peuple travailleur. Malheureusement diffamé par
ses dirigeants politiques.
En ce moment en Grèce :
. Même les entreprises en bonne
santé financière font faillite.
. Des jeunes hautement qualifiés
titulaires de doctorats d’universités américaines ou britanniques, ne
réussissent pas à trouver de travail.
Pourquoi ceci a-t-il lieu ?
Pourquoi n’y a-t-il pas de fin à cette spirale ?
La réponse de base est que le
système de crédit a cessé de fonctionner et que l’Etat, au lieu de l’appuyer,
mine le potentiel de croissance.
Nos banques ne peuvent ni emprunter
ni prêter. Dans le même temps :
. Notre Etat endetté emprunte de l’argent
à l’Europe et au FMI pour le compte des banques, mais ces capitaux
disparaissent dans les trous noirs des banques.
. Notre industrie et nos services
sont en ruines tandis que l’Etat attaque les revenus amputés de ceux qui
travaillent encore pour couvrir ses déficits.
. Seulement il ne peut y parvenir du
fait que notre dette nationale augmente tandis que le revenu national à partir
duquel la dette doit être remboursée diminue rapidement.
Et ce cercle vicieux tourne de plus
en plus vite.
Les ministres du gouvernement
reconnaissent en privé qu’eux aussi pensent que leurs politiques intensifient
la crise – ajoutant qu’ils n’ont pas d’alternative –, que ces politiques leurs
sont imposées par l’Europe.
Chaque fois que le gouvernement grec
fait une nouvelle annonce optimiste les gens la comparent avec la catastrophe
qu’ils voient autour d’eux et perdent toute foi dans l’idée que ceux qui
dirigent la nation savent ce qu’ils font.
Je crains que pour de nombreux
économistes, mais aussi pour des étudiants en politiques publiques, notre pays
s’est transformé en laboratoire de politiques d’austérité.
. Si vous voulez voir comment la
mise en application de politiques économiques pro-cycliques a détruit le tissu
social, transformant une récession en crise profonde, venez en Grèce.
. Si vous voulez voir comment
l’imposition du plus grand programme de discipline budgétaire en temps de paix
ne parvient pas à répondre à la crise de la dette, venez en Grèce.
. Si vous voulez savoir comment la cleptocratie
parvient à se maintenir au pouvoir après avoir détruit une nation entière,
venez en Grèce.
Le point de vue dominant est que le
cycle de récession que je vous décris a commencé en raison du surendettement de
l’Etat grec au cours de la période qui à précédé le crash de 2008. Ce n’est pas faux.
Cependant en termes d’analyse, cela
ne nous aide pas dans nos efforts pour comprendre les raisons de la crise. C’est
un peu comme si on disait d’un malade qui souffre d’un cancer qu’il a mal. Cela
peut être vrai, mais cette observation ne peut expliquer ce qui a provoqué le
cancer, de quel type de cancer il s’agit, et quel traitement peut contribuer à
se guérison. La dette, comme la douleur, est le symptôme d’un problème plus
profond.
Si vous ne croyez pas que la dette
n’est pas la raison de la crise, réfléchissez à l’exemple de l’Irlande. Ou de l’Espagne. Le niveau de leur dette publique en 2008 était plus bas que celui de l’Allemagne. Leurs budgets publics étaient en excédant, à l’inverse
de celui de l’Allemagne qui était déficitaire. Et malgré cela l’Irlande et
l’Espagne se sont trouvés dans le même cercle vicieux que la Grèce :
coupes dans les salaires, baisse de la demande, montée du chômage, émigration,
désillusion. Pourquoi ?
La raison en est, bien sûr, que nos
pays font partie d’une Union Monétaire mal conçue. Une union monétaire qui a
fait deux choses :
. Elle a retiré à nos économies la
capacité d’amortir le choc, dans le cas où nous frappe une crise mondiale ou
régionale.
. Et elle fait en sorte que, quand
vienne le choc, il soit beaucoup, beaucoup plus dur ! Pourquoi plus
dur ? Parce que, pendant les « années fastes », notre union
financière a conduit à de gigantesques flux de capitaux des pays excédentaires
vers nos pays déficitaires. Les flux ont
créé des bulles qui, à leur tour, ont créé l’illusion de la croissance (du
développement) et du progrès.
. En Espagne, l’argent provenait
d’Allemagne et était d’ailleurs empruntée par des investisseurs privés. Les
prix des habitations ont augmenté, les gens se sont endettés à un haut niveau
auprès des banques pour les acheter, les prix ont alors continué d’augmenter,
les gens se sentaient riches, ont dépensé plus et, ainsi, l’économie espagnole
s’est développée rapidement sur le dos de la dette privée.
En Grèce, l’argent venu d’Allemagne
et d’ailleurs était empruntée par l’Etat, lequel le distribuait continuellement
aux investisseurs privés pour construire des routes, les sites olympiques.
En même temps, l’évasion fiscale et
les exemptions d’impôts pour les riches ont empêché d’établir un budget
équilibré.
Quand les marchés financiers se sont
effondrés en 2008, tant la Grèce que l’Espagne était en route vers la
catastrophe. En Espagne, comme en Irlande, le marché de l’immobilier s’est
écroulé, les prix ont chuté, les gens se sont retrouvés avec des maisons qui
valaient moins que leurs emprunts, beaucoup ont fait faillite. Quand les
banques ont commencé à avoir des problèmes, l’Etat est intervenu et a intégré
leurs pertes à ses comptes. De cette façon, les banques comme l’Etat ont fait
faillite.
En Grèce, l’Etat a fait faillite
immédiatement, dans la mesure où c’était celui qui s’était endetté au plus haut
niveau. Par la suite, les banques qui avaient prêté à l’Etat ont aussi fait
faillite. Ensuite, les investisseurs ont fait faillite. Bientôt, tout le pays
s’était effondré.
Compte tenu de la structure de la
zone Euro, comme les Etats, sans Banque Centrale derrière eux, ont dû endosser
la faillite des banques, et comme les banques ont dû continuer à financer les
Etats en faillite, il était inévitable que l’étreinte mortelle entre les
banques insolvables et les Etats insolvables conduise à un effet domino.
A ce moment, l’Union Européenne a
refusé de regarder en face les brèches structurelles au cœur de l’union
monétaire.
. Ils ont décidé qu’il était
préférable de prétendre qu’il s’agissait simplement d’une crise des dettes
souveraines, plutôt que de reconnaître qu’ils avaient construit un avorton d’union
monétaire
. Ils ont décidé d’imposer
l’austérité aux économies en voie d’effondrement, s’assurant ainsi que le
rythme de cet effondrement s’accélérerait.
. De cette façon, ils ont précipité
une récession dont nous n’avions pas besoin…
. Et ils y persistent.
. Avec un coût humain énorme.
. Et avec un coût énorme pour la
démocratie.
Alors, Mesdames et Messieurs, je me
tiens devant vous et j’ai profondément honte de vous dire qu’aucune de ces
leçons n’a été prise en compte par l’Europe.
Une autre chose que nous a enseignée
la crise de 1929 est que, si la classe politique ne parvient pas à s’opposer
aux conséquences de cet effondrement, et si le fléchissement économique se
transforme en récession, les nazis se retrouvent bientôt au Parlement.
Et dans le Parlement de mon pays,
nous sommes tenus chaque jour de nous assoir en face d’une aile de voyous nazis
qui promeuvent l’antisémitisme et saluent à la façon d’Adolf Hitler.
Comme j’ai mentionné la période de
l’entre-deux guerre, la Grande Dépression, il me semble intéressant de comparer
notre Banque Centrale, la Banque Centrale Européenne, avec la FED (la Réserve
Fédérale), ici à Washington.
Le fait que le dirigeant de votre
Banque Centrale, M. Ben Bernanke, ait réalisé son parcours universitaire en
étudiant la Grande Dépression, est important. Ce peut être une des raisons pour
laquelle la FED s’est comportée de façon si différente de celle de la BCE.
Si quelqu’un compare le langage
utilisé par M. Bernanke durant les cinq dernières années avec celui des
banquiers de notre Banque Centrale, il remarquera la différence. La Banque
Centrale Européenne, notre Banque Centrale, semble imperméable à la crise
économique qui se déroule sous son nez. Si nos banquiers centraux avaient passé
un peu plus de leur temps à étudier la Grande Dépression, les choses pourraient
être différentes.
En insistant un instant sur la
question de la Grande Dépression, permettez-moi de vous remémorer
l’intelligente remarque de Franklin Roosevelt selon laquelle, dans une époque
de récession, le pire à craindre est la peur elle-même. Dans mon pays, comme
s’ils voulaient prouver que Roosevelt avait raison, dans leur intérêt, les
cleptocrates luttent pour maintenir leur pouvoir en répandant la peur. La peur de
la solution alternative à leur règne. La peur de nous. La peur de la Gauche que
je représente ici aujourd’hui.
Y a-t-il quelque chose à craindre de
la Gauche en Grèce ? De quelle façon sommes-nous radicaux ? Les
alarmistes vous diront que notre parti, s’il arrive au gouvernement, déchirera
l’accord de prêt avec l’Union Européenne et le FMI, fera sortir le pays de la
zone Euro, coupera les liens de la Grèce avec l’Occident civilisé, que la Grèce
deviendra une nouvelle Corée du Nord.
Ceci relève dur pire alarmisme.
SYRIZA, mon parti, de veut rien de cela. Nous avons toujours été, et nous
resterons toujours, un parti européen.
Ce que nous pensons, c’est que
l’Europe a perdu son chemin, et qu’elle impose des politiques inhumaines à ses
propres peuples, ce qui ne peut être considéré comme anti-européen. Notre
politique doit répondre aux intérêts des peuples d’Europe. Et dans l’idée que
l’Europe est notre maison et que nous devons la protéger de la Grande
Dépression qui se propage et qui menace, non seulement nous les européens, mais
toute l’économie mondiale. Nous voulons mettre fin à la fragmentation de
l’Europe. Et ceci signifie résister aux politiques actuelles en Europe.
Permettez-moi de dire ceci
clairement : SYRIZA maintiendra la Grèce
dans la zone Euro. Mais cela ne signifie pas l’acceptation des politiques
stupides et inhumaines que nous dictent les actuels dirigeants suicidaires de
la zone Euro. Non ! En effet, selon moi, afin de nous maintenir à long
terme dans la zone Euro, afin que la zone Euro survive réellement, nous avons
besoin d’un changement de projet. Nous avons besoin d’une réévaluation
rationnelle de notre stratégie visant à lutter contre la crise. Pas au niveau
grec. Au niveau de l’Union Européenne. Mais cette stratégie nouvelle ne pourra
venir sans, et à moins qu’un parti comme le nôtre ne crie à Bruxelles : ça
suffit !
Ce que nous disons, c’est que
l’accord est violé quotidiennement par la réalité elle-même. L’accord de prêt
fera l’objet de renégociations.
Mais le mémorandum d’austérité est déjà mort.
Permettez-moi de souligner que ce
n’est pas le travail du FMI de prédire ce qui se passera si SYRIZA gagne. Nous
pourrions nous passer de tels commentaires qui sapent encore plus la stabilité
de l’économie.
Cependant, je mets en garde
Bruxelles, Francfort et Berlin, que cet accord a été dépassé par la réalité.
Qu’il est impossible à mettre en
application, même si SYRIZA convainc tous les hommes, femmes et jeunes de Grèce
de se réveiller et de s’endormir chaque jour avec l’intention de le conserver.
Vous le voyez, il s’agit d’un accord
qui est en contradiction avec les lois de l’économie. Et c’est pour cela
l’obstination dans la mise en application de cet accord est contradictoire avec
les lois de l’humanisme.
Ainsi, si les politiques radicales
de SYRIZA ne correspondent pas à un retrait de la Grèce de la zone Euro ;
et s’il ne s’agit pas de déchirer nos accords avec l’Union Européenne ;
que signifie notre étiquette de Gauche Radicale ?
Elle signifie que nous sommes prêts
pour des réformes radicales de l’Etat, afin que se crée un environnement stable
de justice, de redistribution des richesses, et d’investissements.
Elle signifie que nous continuerons
d’insister sur le fait que la zone Euro a besoin de fondations nouvelles.
Elle signifie que nous n’accepterons
pas que la réincarnation européenne de Herbert Hoover hante les peuples
d’Europe.
Elle signifie que nous nous
opposerons à chaque tentative visant à expliquer la crise de l’Euro par le
schéma : « les cigales du Sud ont excessivement dépensé en utilisant
les fourmis du Nord comme garants ».
Elle signifie que nous continuons à
expliquer que la crise de l’Euro a lieu parce que les cigales d’Allemagne et de
Grèce ont fait la fête avant 2008, en faisant du profit sur le dos des fourmis
qui travaillent dur tant en Allemagne qu’en Grèce.
Et quand est arrivé le krach, les
cigales d’Allemagne et de Grèce ont exigé que leurs pertes soient payées par
les fourmis d’Allemagne et de Grèce.
Cela signifie que nous exigerons un
Nouvel Accord (New Deal) pour l’Europe, qui mobilisera les forces productives
du Continent contre la pauvreté et le désespoir.
En juin dernier, Syriza a bondi de 4
à 27% mais n’était pas le premier parti.
Beaucoup d’entre vous ont dû
entendre la propagande selon laquelle Syriza est un parti dangereusement
inexpérimenté.
Aujourd’hui, je me tiens ici, devant
vous, prêt à répondre à vos questions, fier de dire :
Oui, nous sommes inexpérimentés pour
ce qui est de conclure des accords troubles avec les cleptocrates et les
oligarques. Oui, nous sommes inexpérimentés dans le fait de couvrir des
scandales de corruption, comme le tristement célèbre scandale de Siemens. Comme
dans le scandale de dissimulation de la liste Lagarde. Oui nous sommes
inexpérimentés. Oui, nous n’avons à notre actif aucune signature d’accord de
prêt contradictoire avec la logique macroéconomique. Oui, nos pensées sont
claires et nos mains fermes. Et, par-dessus tout, elles sont propres.
Enfin, mon message à cette
assistance, ici à Brookings, est que notre parti veut établir un dialogue
mutuellement profitable avec les penseurs progressistes de bonne volonté de
votre côté de l’Atlantique.
Je veux vous dire que les gens en
Grèce, même dans la gauche radicale, vous considèrent comme des compagnons de
route ambivalents, mais une entreprise importante pour le rétablissement de la
prospérité et de l’espoir des deux côtés de l’Atlantique.
Le reste du monde, après avoir
réalisé d’énormes progrès ces dernières décennies, observe les européens et les
américains avec inquiétude. Nous ne devons pas les décevoir, comme nous ne
devons pas décevoir nos propres peuples.
Nous devons démontrer tous ensemble
que l’humanité est devenue plus sage de par les catastrophes qu’elle a vécue
dans le passé.
Je vous remercie.