Article paru dans PRIN, le journal du Nouveau Courant de Gauche (NAR), composante principale d'ANTARSYA. L'article est en ligne sur le site du NAR.
Du même auteur, un article de septembre 2012 publié sur Europe Solidaire au sujet de Syriza et de l'Euro
10.03.2013
Au milieu de la crise capitaliste
profonde, et avec la Grèce devenue Zone Economique Spéciale de surexploitation,
même si ANTARSYA n’existait pas, il faudrait la créer.
L’absence de politique
de renversement du système à gauche est ahurissante, alors que le peuple gémit sous la
botte de la Sainte Alliance du capital (local et étranger), UE, FMI, avec pour
exécutant la troïka gouvernementale de l’intérieur et la troïka de l’extérieur.
Syriza recherche un bon Caramanlis des années 70, après avoir découvert un bon
PASOK. A l’aide de matériaux toxiques provenant de la naissance du bipartisme,
elle se pare du costume de la gestion gouvernementale et de l’ (auto)illusion
qu’elle peut sauver le peuple dans l’Euro et l’UE, sans affrontement avec le
capitalisme. De l’autre côté le KKE est piégé par son absence de stratégie et
de tactique révolutionnaire et est incapable de contribuer à l’urgentissime
mouvement unitaire de renversement du système.
ANTARSYA reste debout,
est dans toutes les luttes, émet le signal qu’il peut y avoir une autre gauche,
combattive et frontale, avec un programme d’urgence de lutte anticapitaliste,
et un profil global anticapitaliste, révolutionnaire et communiste moderne. Elle n’est bien entendu devenue ni la
« 13ème composante de Syriza », ni un « petit
KKE », comme le « prévoyaient » nos impitoyables amis, ni n’a
été victime de la mortalité infantile politique. Pourtant, nous ne pourrons pas
regarder le monde de façon critique et révolutionnaire, si nous ne nous
regardons pas nous-mêmes de la même façon. Si nous ne remarquons pas que dans
la dernière période, du fait des contradictions stratégiques et des
insuffisances sociales d’ANTARSYA elle-même, et sous la double pression de
l’attaque frontale du système et d’une certaine pause du mouvement d’un côté et
de la montée du réformisme et du cours clairement gestionnaire de Syriza de
l’autre, l’action de la gauche anticapitaliste s’essouffle, elle peine à se
frayer un chemin. Une perplexité collective se développe, ainsi que des
tactiques diverses chez les organisations politiques qui participent au front,
d’une façon qui ne s’additionne pas mais s’annule.
Tout cela peut et doit être surmonté. Il
ne s’agit pas seulement du fait que le potentiel anticapitaliste et radical de
la gauche et du mouvement reste vivant et combatif et que souvent il se
renforce (comme l’ont aussi démontré les élections dans une série de
syndicats), ni du fait que les exigences et les divergences à gauche dans de
plus larges pans de Syriza et du KKE progressent. Il s’agit bien plus du fait
que « contrairement à la rhétorique de la stabilisation, l’évolution de la
situation politique et sociale en Grèce conduit objectivement à l’épreuve de
force, qui soit conduira à une restructuration générale et réactionnaire du
capitalisme grec, soit alimentera une dynamique de renversement
anticapitaliste, avec une dynamique d’entrée dans une situation
révolutionnaire. C’est pour cela que vient sur le devant de la scène
l’impérieuse nécessité de la formalisation et de la diffusion d’un autre projet,
au contenu révolutionnaire pour la société, et en même temps, le besoin de
constitution d’une large avant-garde à tous les niveaux du sujet (parti, front,
mouvement) », comme le pointait récemment le BP du NAR.
Dans une période d’intenses processus
politiques et de préparation aux prochaines tempêtes, comme celle que nous
vivons aujourd’hui, ANTARSYA peut et doit agir de façon résolue. Pour ce faire
il faut que s’ouvre immédiatement le processus démocratique de la 2ème
Conférence Panhellénique d’ANTARSYA (qui a été retardée), de façon à ce que
tous les membres et sympathisants d’ANTARSYA, en particulier ceux qui ne sont
pas membres des organisations du front, se prononcent sur sa politique. Quelques questions cruciales se font
jour :
Premièrement, le caractère anticapitaliste du
front et la nécessité d’un programme de lutte et de renversement du système. En
2009, un peu après le déclenchement de la crise de nature historique du
capitalisme, ANTARSYA par sa fondation résumait une stratégie anticapitaliste.
En 2010, avec le programme de lutte anticapitaliste (annulation de la dette,
sortie de l’euro et de l’UE, nationalisation des banques et des entreprises
d’importance stratégique, augmentation des salaires/attaque des profits,
contrôle ouvrier ect.) elle a politisé le mouvement de masse et a agi comme un
catalyseur dans la discussion de toute la gauche. Où en serions-nous si
ANTARSYA avait refusé d’adopter ce programme, sous prétexte qu’il n’existait
pas d’autres forces dans la gauche avec lesquelles s’allier sur ces bases ?
Heureusement nous avons agi autrement. Nous avons recherché le programme
nécessaire au renversement de la stratégie de la bourgeoisie, pour que le
peuple puisse respirer, pour lier sa lutte au dépassement du capitalisme. Nous
avons dit que ce programme ne doit pas être seulement celui d’ANTARSYA, mais de
toute la gauche. Si cela a eu lieu en 2009 et 2010, maintenant que la crise du
capitalisme s’approfondit et se recycle, que l’UE mène le monde du travail à
Dachau, que la Grèce se transforme en Zone Economique Spéciale de
surexploitation et de pillage des individus et de la nature, même si ANTARSYA
n’existait pas il faudrait la créer. Il est clair que le front politique global
ne peut qu’être anticapitaliste. Quelques réponses anti-néolibérales,
anti-mémorandums, anti-monopolistes, démocratiques ou étroitement anti-euro ne
peuvent suffire. Quand Obama ampute radicalement les dépenses publiques, quand
Hollande fait passer une loi de flexibilisation radicale des relations de
travail (soi-disant pour lutter contre le chômage, comme on dit aussi ici) on
ne peut chercher d’issue dans une autre gestion du système. Le programme et le
front anticapitaliste exprime et unit la lutte contre l’UE et les organisations
impérialistes, la revendication de démocratie, la souveraineté populaire et la
libération des chaînes des mémorandums et de la surveillance. Les « cinq
points » d’ANTARSYA ne suffisent plus. Ils doivent être développés et être
liés tant aux revendications politiques pour les droits économiques, sociaux et
démocratiques des travailleurs pour la survie et la vie décente, qu’à la question
du « jour suivant », la possiblité socialiste – communiste de notre
époque.
Deuxièmement, sur la question de la réponse
politique globale et le problème du pouvoir, il faut travailler bien davantage.
La gauche anticapitaliste n’a pas su répondre à l’élévation des enjeux
politiques. Il est évident qu’aujourd’hui une force de protestation n’est pas
suffisante (comme dans les années 90). Ceci ne signifie pas pour autant
qu’ANTARSYA doive suivre les sentiers battus de la gestion parlementaire, soit
sous la forme des diverses propositions gouvernementales, soit sous la forme
d’une force mouvementiste « extraparlementaire » qui fonctionnera
finalement comme une béquille d’un courant de gestion gouvernementale. En
principe, toute discussion au sujet de la réponse politique doit commencer par
la question du renversement du système, c’est-à-dire à partir de « qui
dans la file va attraper la queue du chat », c’est-à-dire qui et comment
renverser la politique réactionnaire, le gouvernement qui la met en œuvre et le
système qui le soutient.
Logique du fruit mûr et recherche
d’alliance avec la classe bourgeoise et l’impérialisme pour obtenir leur
bénédiction, ou mouvement politique ouvrier et front du renversement du
système ? A partir de là, une réponse révolutionnaire innovante à la
question du pouvoir doit rechercher les voies modernes centrées sur la
nécessité que la classe ouvrière se constitue en classe pour elle-même, y
compris dans les alliances sociales et politiques, dans la création des organes
de lutte et d’imposition de la volonté populaire, tendant à les mettre en avant
comme réseau de contre-pouvoir, et bien sûr dans la rupture révolutionnaire
pour renverser le pouvoir bourgeois. Pas simplement comme un travail en un
acte, ni comme un processus graduel, mais avec des tournants, pour le pouvoir
et le gouvernement des travailleurs d’un nouveau type.
Troisièmement, ANTARSYA doit mettre en avant de
façon beaucoup plus importante la nécessité de la reconstruction de classe du
mouvement ouvrier. Les luttes puissantes de ces trois dernières années ne
peuvent pas nous dissimuler l’impuissance finalement déterminante du vieux
mouvement à se confronter victorieusement à l’adversaire surarmé. ANTARSYA,
avec les courants d’avant-garde des luttes ouvrières qui émergent, doit incarner
concrètement la tendance de rupture avec le syndicalisme subordonné et
embourgeoisé et contribuer à la création d’autres centres de lutte, tout en
recherchant l’action commune avec les autres forces de masses de la gauche.
Quatrièmement, ANTARSYA doit lever haut le drapeau
pour une autre gauche, radicale et anticapitaliste, se reconnaissant elle-même
comme une étape pleine d’espoir, mais pas la fin du chemin pour le nécessaire
pôle anticapitaliste. Aujourd’hui des forces se déplacent, à la base mais aussi
dans les « sommets », qui recherchent un positionnement de gauche combatif,
qui divergent dans la pratique avec SYRIZA et le KKE, elles s’approchent de
leur propre façon des critiques politiques pointues, elles bougent à l’encontre
des lignes de démarcation de base (comme la logique de l’Euro-seule-voie).
ANTARSYA, dans le processus démocratique de sa Conférence, doit rechercher les
voies pour une politique de rassemblement unitaire et de collaboration avec ces
forces.
Cela ne correspond à aucune
dévaluation ou snobisme, aucune fermeture dans une approche instrumentale d’ANTARSYA
elle-même de la part d’un quelconque parti « Elu ». Mais dans le même
temps, la tactique unitaire d’ANTARSYA ne peut se situer que du point de vue de
la promotion du front anticapitaliste, et évidemment pas de la dégradation d’ANTARSYA,
de son remplacement ou de sa dissolution dans un quelconque autre front, « radical »
ou « anti-euro », soi-disant plus large, en réalité fragile.
Cinquièmement, la 2ème Conférence
Panhellénique et la période qui y mène doit donner le coup d’envoi et les trouver
les voies appropriées pour une ANTARSYA ouvrière, de masse, démocratique,
créatrice, panhellénique. Pas seulement ses membres, mais aussi ses assemblées,
avec l’intégration et la contribution de milliers de nouveaux militants. C’est
l’heure d’avancer résolument en avant. Car la lutte et l’unité c’est comme la
bicyclette : quand elle ne roule pas elle tombe.
Yannis Elafros, journal
PRIN, 10/03/2013