Cet article publié fin décembre sur le site du Réseau Rouge de SYRIZA présente la situation politique grecque à grands traits, en particulier l'instabilité de la coalition gouvernementale.
A lire en complément du très riche article de Petros Panou mis en ligne par A l'Encontre. Petros Panou est membre de DEA (principale organisation du Réseau Rouge), ces deux articles sont donc issus du même courant politique et se recoupent en partie.
Petros Tsagaris |
20.12.2013
Récession à nouveau en 2014, les difficultés s’accroissent pour le
PASOK – ND.
Alors que s’ouvre
2014 et que la présidence grecque commence, les choses sont loin d’être roses
et absolument pas sous contrôle pour ceux d’en haut. Le gouvernement et la
Troïka sont confrontés à de tragiques résultats macroéconomiques, dont ils sont
eux-mêmes à l’origine avec la politique qu’ils ont mis en place. Ils disent que
les indicateurs économiques s’amélioreront en 2014, mais ils l’ont déjà répété
à maintes reprises auparavant.
Contrairement à leurs
prévisions, de nombreux organismes prévoient déjà qu’en 2014 non plus il n’y
aura aucune croissance : Morgan Stanley prévoit une croissance nulle, Moody’s
une récession de 0,5%, l’OCDE voit aussi une récession de 0,4%, tandis que même
le Conseil des Experts Economiques de Merkel prévoit une récession de 1,3%,
s’écartant de 3,5 milliards de la prévision de la Troïka. La prévision de Citi est
encore plus défavorable, prévoyant une récession de 1,9% pour 2014 avec en
outre une récession de 0,5% en 2015.
Sans consensus
Cependant le
gouvernement et la Troïka maintiennent la même ligne, pas par irrationalité
mais par intérêt. Sur le plan économique il y a des dizaines de milliards
d’euros de profits pour les créanciers dans cet échange permanent de prêts et
de remboursements de la part de la Grèce. Le capital grec en tire aussi du
profit, tant de façon immédiate du fait de l’augmentation de la rentabilité
d’un certain nombre d’entreprises (celles qui survivent finalement aux dommages
collatéraux de la guerre qu’elles se livrent), qu’à long terme dans la mesure
où les capitalistes grecs, sous prétexte de mémorandum, renforcent leur
capacité à extraire des quantités toujours plus importantes de plus-value du
côté des travailleurs, par le biais de l’effondrement des salaires et des
autres conquêtes ouvrières.
Ce choix politique du
capital européen – et par conséquent grec – pousse à la décomposition ou à la
complète mutation des partis de gestion, comme la ND ou le PASOK, qui avaient
été créés dans une autre phase du capitalisme, ayant entre autres comme
principal fonctionnement l’intégration de larges franges du peuple dans le
système. Ces partis, le PASOK en particulier, n’avaient pas été construits pour
être au service d’une politique de vol ouvert du revenu d’aujourd’hui
(salaires-pensions, emplois), d’hier (logement) et de demain (accumulation
illimitée d’impôts), des masses laborieuses.
Au-delà de la grande
masse des travailleurs, ces partis en arrivent à une rupture inédite avec les
classes moyennes. Globalement le gouvernement de coalition semble ne pas
pouvoir s’assurer d’un consensus auprès de cette cruciale masse de gens
nécessaire au fonctionnement à long terme du système.
La dissolution du PASOK
Cette absence de
consensus apparaît plus concrètement dans le fait que les travailleurs et les
petites entreprises ne paient plus leurs impôts à un niveau désormais
massif : à la fin octobre 2013 le nombre de personnes physiques devant de
l’argent à l’Etat (c.-à-d. dont les obligations étaient arrivées à échéance)
avaient atteint 2.695.000, constituant donc un pourcentage énorme de la
population économiquement active du pays. Et le nombre d’entreprises ayant des
obligations arrivées à échéance envers le secteur public a augmenté de façon
dramatique (précisément de 228%) au cours des dix premiers mois de l’année.
C’est d’ailleurs pour cela que la Troïka n’accepte pas la prévision du
ministère de l’économie selon laquelle il pourrait collecter 2,65 milliards
d’euros grâce au nouvel impôt/racket sur l’immobilier.
Cette faiblesse fait
que la question du PASOK est déjà considérée comme réglée : il est le
huitième parti dans les sondages (bien que son chef soit vice-président du
gouvernement et ministre des affaires étrangères). Des cadres de premier plan
remettent ouvertement en cause les choix de la direction. Onze députés et
secrétaires d’Etat anciens et actuels (Sachinidis, Moraitis, Petalotis ect)
condamnent ses manœuvres dans un communiqué. D’autres responsables, comme les
députés européens A. Podimata, M. Koppa et Sp. Danellis, ont assisté au congrès
de DIMAR donnant ainsi des signes d’éloignement, tandis que l’ancien ministre
P. Beglitis annonçait son adhésion à DIMAR.
Ainsi le projet des « 58 »
(appel lancé fin 2013 par des
personnalités entre autres issues du PASOK ou de DIMAR pour créer un vaste
rassemblement du centre-gauche en vue des prochaines élection ; NdT) reste
sans doute un vœu de Pretenderis (Yannis
Prenteris, journaliste NdT) et d’autres cercles du capital. Venizelos
lui-même mène une lutte désespérée pour sa propre personne en utilisant le
parti et son alliance politique et gouvernementale avec la direction d’extrême-droite
de la ND comme bouclier face à la perspective de poursuite pénale dans l’affaire
des sous-marins.
La crise de la ND
Mais la ND aussi
montre qu’elle perd de la résistance dans les sondages, car ses liens vitaux avec
sa base sociale se sont aussi rompus. Il est caractéristique que DAKE (plateforme syndicale de la ND ; NdT)
dans le secteur privé ait dans une lettre indirectement demandé aux députés de
la ND de ne pas voter le budget. Le président de ladite plateforme et
secrétaire général de la GSEE, N. Kioutsoukis, a été immédiatement (ré)exclu du
parti, et a contre-attaqué en disant que « le magma de cette politique est
criminel pour la société et ne peut plus
durer ».
Des sentiments
équivalents sont aussi partagés par de nombreux députés – en particulier ceux
qui comptent dans leur base électorale des électeurs disposant de petites et
moyennes propriétés.
Ainsi Samaras, bien
qu’il soit parvenu à atteindre son objectif de court terme, la présidence de l’UE,
a épuisé l’essentiel de son carburant politique. Dans le même temps, à l’heure
où nous écrivons ces lignes, il doit décider de ce qu’il fera de Venizelos et l’affaire
des sous-marins : le soutenir par sa présence à l’Assemblée même si cela
signifie porter la charge explosive de la corruption du PASOK ? Ou préférera-t-il
ne pas être présent à l’Assemblée, laissant seul le chef du PASOK face aux appétits
de tous ? Quoi qu’il fasse le gouvernement de coalition aura subi de
nouveaux dommages.
Perspectives
Dans ces
circonstances le gouvernement tente de faire passer son tourbillon d’impôts,
entre autres l’imposition des champs, l’autorisation pour les services fiscaux
de faire irruption dans les maisons, le règlement de l’impôt sur le revenu dans
les trois mois au lieu de six, contravention de 10% pour quiconque tarderait plus
de deux mois à payer ses impôts, et beaucoup d’autres mesures sanguinaires.
Le seul impôt sur
lequel les gouvernements mémorandaires reculent sans cesse est l’impôt de 20%
décidé en 2010 sur les publicités télévisées. Stournaras a déjà accordé un
quatrième report d’un an, confirmant un fois de plus l’alliance entre le
gouvernement et les patrons de chaînes. Pourtant la propagande médiatique ne
suffit pas pour sauver le gouvernement. Bien entendu, personne ne se souviendra
dans quelques mois de la présidence grecque, exactement comme personne ne se
souvient de la présidence lituanienne bien qu’elle ne soit même pas encore
achevée. La seule raison probable pour que la présidence grecque reste dans l’histoire,
c’est que le gouvernement s’effondre pendant ce temps.